Le ruban blanc

Publié le par yoye2000

Vu hier, Le ruban blanc, la grosse tarte à la crème palmée d'Haneke.
Bref, on connait ‘l’histoire’, maintenant : en 1913, un microcosme paysan voit sa rigide vie protestante et agreste bouleversée par une série d'accidents mystérieux. Enfin… bouleversée, par vraiment. Disons plutôt mise en perspective, car de mystère, il n'y a point. Pas de fantastique, ou de recherche de coupable, à peine si le lien est fait entre les différents événements.
On suit donc un certain nombre de personnages, tous chargés d'un rôle symbolique (l'homme de Dieu, le baron, son régisseur, des paysans..) et en même temps rouages à part entière de la machine de la petite société.
Les rapports dominants/dominés, les frustrations, les châtiments, l'ordre rance font ici partie de la nature des choses.

La grande force du film est le noir et blanc. Ce choix n'est pas un simplement esthétique, mais représente un véritable dispositif, tant le noir parait souligner les zones d'ombres et le blanc lumineux vouloir aveugler.
Ce qui correspond parfaitement à un film où on prend ostensiblement le parti de ne rien imposer, d’insinuer plutôt, avec un sens de la manipulation évident : l'atmosphère du film est pesante, malsaine, alors que pourtant très peu est montré ou même directement suggéré. Tout devient vecteur d’horreur potentielle, à commencer par les myriades d’enfants blonds qui semble grouiller comme de la vermine.

Grande puissance de la mise en scène.
Et grande faiblesse aussi. Car à l'instar de l'impôt, trop de sous-entendus tuent le sous-entendu. On prend rapidement acte du nauséabonde, on suit, on attend le nouveau rebondissement sordide, mais on ne marche plus vraiment. Reste le malaise, mais complètement stérile.
Ca, c’est la première impression. La mienne en tout cas.

Or, à la réflexion, il y a peut être une autre approche :

Dans ce monde rigide est d'un autre siècle, un personnage surnage : plein de bonté, naïf et droit -l'instituteur.
Tiens, d'ailleurs, c'est justement le narrateur. Celui  dont la voix éraillée de vieillard nous conte ces événements en off. Une voix qui a certainement connu toutes les horreurs du siècle. Une voix qui prévient d'ailleurs au début du film que ces événements expliquent peut être un peu ce qui s'est passé ensuite (III Reich, etc, etc....).

…Et si ce village  à la veille de la première guerre mondiale n'était qu'une reconstruction très subjective, une sorte de travail psychanalytique sur le refoulé collectif, comme une vague justification d'une génération, celle de l'instituteur ? Celle qui justement avait fait passer société paysanne et rigoriste à un monde industriel et urbain. Celle qui avait vu l’Allemagne prendre le premier rôle dans la construction de l’âge des extrêmes. Et si cet instituteur délicat, ouvert, respectueux n'était finalement qu'une projection fantasmée et largement conditionnée par le futur ?
Voila qui apporterait un éclairage nouveau et intéressant sur ce Ruban Blanc à la fausse subtilité plutôt lourde si on l’envisage sous l’angle seul de la montée du nazisme vingt ans plus tard.



Dès le début du film, ce clair-obscur, cette accumulation de mystères sans but et de signes m'a tout de suite fait penser à Gombrowicz. Même si pourtant les enjeux et le propos sont tout à fait différents. Ainsi, en rentrant, je suis tombé, dans ma bibliothèque fort bien achalandée sur « Cosmos », notamment ce passage « il faudrait penser que rien ne sera jamais exprimé pour de bon, restitué dans son devenir anonyme, que personne ne pourra jamais rendre le bredouillement de l'instant qui naît ; on se demande pourquoi, sortis du chaos, nous ne pourrons jamais être en contact avec lui : à peine avons nous regardé que l'ordre nait sous notre regard…"
Ceci me paraissait pouvoir constituer une bonne conclusion…


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A
<br /> Mais y'a bien des scènes que tu as appréciées plus que les autres, non ? (positive attitude...)<br /> <br /> <br />
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E
<br /> Oui, on peut très bien prendre ce récit porté par la voix off pour une sorte de ré-interprétation de certains événements à la lumière de la suite (de la grande histoire). Ce n'est pas martelé mais<br /> les propos en introduction sont, il est vrai, assez "parlants" de ce point de vue.<br /> Bon, la qualité du film, c'est quand même de faire réfléchir a posteriori, sur ce que l'on a vu et entendu, et sur ce qu'Haneke a bien voulu faire passer. Mais nous sommes d'accord sur la forme,<br /> trop asphyxiante et monotone.<br /> <br /> <br />
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