Le fabuleux destin de Serge Gainsbourg

Publié le par yoye2000

Joan Sfar est un type qui ne manque ni d'audace, ni de talent, et qui aime bien que ça se sache. Il est servi, puisque son Gainsbourg est unanimement salué. Vu le sujet, c’était pourtant le gros plantage quasi-automatique : une icône française qui fréquente des tas d’autres icones françaises… Lourd, convenu, sans intérêt dramatique, déférent, en bref, fade comme un jus de navet... C'est un peu ce qu'on attend de ce type de films.

Je n'y suis allé qu’assuré de toutes parts qu’il était « bien ».
Plus d’ailleurs  pour voir la bête que pour voir un film, je reconnais.

Et c’est vrai, il est « bien ».

Partant du postulat (pas con) qu'il valait s’appuyer sur la réalité plutôt que de la reconstruire, Sfar plie Gainsbourg à son univers et non l'inverse. Il en fait donc :
1. un conte... : tendance Bettelheim avec ce qu’il faut de psychologie (antisémitisme, traumatisme de la guerre, laideur, les femmes, rapport au père, etc, etc…)
2. ...héroïque : l’épopée intérieure d'un héros tragique et épique dont chaque nouvelle terre abordée est (la plupart du temps) une femme, qu’il lui faut savoir comprendre et apprivoiser (le Gainsbourg du film conquiert beaucoup moins qu’il ne sait prendre ce qu’on lui donne, à la fois maître et esclave de son destin) *


http://www.blogencommun.fr/blog/wp-content/uploads/gainsbourg-film.jpgSi cette approche évite la bête chronique à tendance hagiographique habituelle, ça ne rend pas les choses plus simples.
Traiter de la vie de celui qui fût  successivement (et concomitamment*)  Ginsburg, Gainsbourg et Gainsbarre (entre autres) oblige à balayer large.
Fatalement, ceci entraine un vice de conception auquel le film n’échappe pas : l'effet catalogue. Sfar ne cherche pas à esquiver. Il y va à fond, Greco, Gall, Bardot, Birkin, il enchaine, il enchaine... la Tour Eiffel, Montmartre, Notre-Dame en décor. On note l'ironie. On apprécie le talent pour jouer avec les étapes attendus.  Il n'en reste pas moins que la série est un peu fastidieuse (une femme, une scène, une chanson, une femme, une scène, une chanson, une femme, une scène, une chanson … Ca lasse, ce qu’un casting béton heureusement dirigé ne parvient à compenser complètement.

Ceci mis à part, il n'a que des qualités, ce Gainsbourg.
A l'image du jeune Lucien Ginsburg: futé, charmeur, séduisant, malin, gonflé,  redoutable d'ironie, audacieux...
Très....
Beaucoup....
Beaucoup trop...
Mais vraiment trop...
Il en est même parfois insupportable.

L'exercice tourne à la démonstration, et on a un peu de mal à entrer vraiment dedans.
Alors, certes, il y a des décors extraordinaires, de vraies idées de mise en scènes, des références digérées et restituées avec brio, une direction d'acteur bien sentie, un parti pris réel et plein d’audace... etc, etc.

Tout cela est vrai, mais il y a un seul point qui cloche vraiment :  Sfar oublie un peu de faire un film. Il manque à son Golem ce petit je ne sais quoi, ce souffle de vie qui saurait l’animer.
 



Gainsbourg, un film français de Joan Sfar, qui, tout épatant qu’il est, n’en laisse pas moins un petit un sentiment de vacuité.

* Oui je sais, c’est un peu pompeux, tout ça, mais le film oblige un peu aux digressions intellectualisantes potentiellement creuses.

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